La France va sécuriser le Mondial de foot au Qatar

Plus de 200 experts seront envoyés à Doha pendant les épreuves. Paris a demandé des garanties légales qui les protégeront d’une justice perfectible.

S’ils devaient avoir des problèmes, ils auraient le droit à un avocat. Ils seraient informés des charges pesant contre eux et ils pourraient demander à être confrontés aux témoins à charge. Ils seraient poursuivis seulement pour des infractions prévues par la législation nationale. Ni la peine de mort ni la flagellation ne pourraient être requises contre eux, ou si elles l’étaient, les peines ne seraient pas appliquées.

Voilà les principales dispositions sur la protection juridique des quelque 220 Français, intervenants de choc du GIGN, agents de la division nationale de lutte contre le hooliganisme ou spécialistes de la lutte anti-drones, qui vont se rendre au Qatar, afin d’assister les forces de l’ordre locales pendant le Mondial de foot 2022, du 21 novembre au 18 décembre 2022.
L’assistance des forces de l’ordre française évoquée dans un rapport sénatorial

Elles sont évoquées dans un rapport remis par le sénateur UDI Olivier Cadic à la commission des Affaires étrangères du Sénat, le 9 février 2022, alors que la chambre haute se préparait à examiner le projet de loi sur le « partenariat relatif à la sécurité de la Coupe du monde de football de 2022 ». L’Assemblée nationale l’a adopté le 5 août. Apparemment, les ratés de la finale de la Ligue des champions à Saint-Denis le 28 mai n’ont pas dissuadé les Qataris de faire appel à l’expertise française.

Les garanties demandées par Paris relèvent du minimum vital en procédure pénale, ce qui en dit long sur les archaïsmes d’un système judiciaire basé sur la charia. L’homosexualité et l’apostasie sont encore passibles de la peine de mort au Qatar, en théorie. En pratique, le pays n’est pas comparable à l’Arabie saoudite (où 81 personnes ont été décapitées pour la seule journée du 15 mars 2022). Il n’y a pas eu d’exécution depuis celle d’un Népalais en 2020 et la précédente remontait à 2003. La torture est officiellement prohibée, mais elle restait pratiquée dans les commissariats ou les prisons, il y a encore quelques années, selon Amnesty International. Les châtiments inhumains n’ont pas cours, avec une subtilité : la flagellation n’en fait pas partie.

Mercantilisme assumé côté français

Les autorités françaises n’ont pas découvert la police qatarie et son arbitraire cette année. La coopération entre les forces de l’ordre des deux pays a réellement commencé en 2015, avec un projet d’accord réciproque « relatif au statut des forces ». Ensuite est intervenue la signature d’une lettre d’intention sur la police et la défense nationale entre le président de la République et l’émir du Qatar, en décembre 2017. En mars 2019, un contrat de coopération « relatif à la sécurité de la Coupe du monde » a été signé entre l’émir Al-Thani et le Premier ministre Édouard Philippe, ainsi qu’un accord de sécurité sur « l’échange et la protection d’informations classifiées » entre les deux pays.

En novembre 2019, enfin, la France et le Qatar ont signé un accord global, dont la « clause de juridiction » protège les militaires et les policiers francais en poste dans l’émirat contre d’éventuels dérapages judiciaires. Les mesures de protection juridique du partenariat de sécurité de la Coupe du monde reprennent en fait des dispositions déjà écrites dans cet accord global.

Cette collaboration à long terme avec les Qataris est-elle totalement désintéressée ? Non, répond avec franchise le sénateur UDI Olivier Cadic, dans son rapport à la commission des Affaires étrangères du Sénat, déposé le 9 février 2022. L’amitié « a été renforcée par la signature de contrats majeurs, comme le démontre l’achat de 36 Rafale » livrés en 2019. Le pas supplémentaire franchi pour le Mondial vise explicitement à « soutenir les industriels français dans la présentation de solutions adaptées aux besoins exprimés par le partenaire ». En tout état de cause, souligne le sénateur, le pays « ne peut pas assurer seul la gestion de la sécurité d’un tel événement ». Alors que le Qatar compte officiellement 2,4 millions d’habitants, il se prépare à recevoir 1,2 million de visiteurs…

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